La mémoire

Qu'est-ce que la mémoire?

« La véritable richesse d’un Homme, ce sont ses souvenirs. Il n’est riche de rien d’autre, rien d’autre ne le rend pauvre ». Alexandre Smith, poète Ecossais du 19e siècle.

La mémoire est complexe, les théories à son sujet vont dans tous les sens, la littérature qui s’y consacre est assez copieuse pour remplir une bibliothèque de bonne taille, et, malgré tout cela, personne n’a toutes les réponses. Vos souvenirs potentiels commencent, bien évidemment, à votre naissance, mais vos capacités mémorielles ont pris un grand essor à l’âge d’environ huit mois. Votre expérience et la croissance de votre cerveau étaient alors suffisantes pour commencer à développer ce que les psychologues pour enfants appellent la « mémoire active », c’est-à-dire, la capacité à retrouver le passé, à le retenir dans le présent et, simultanément, à comparer et à associer l’information nouvelle à la connaissance du passé. C’est une faculté que vous avez continué à développer et qui participe à vote vie d’adulte. Elle vous permet de trouver des connections entre les « morceaux » d’expérience. Cette capacité de continuer à établir des souvenirs et de nouvelles connections durant toute la vie à conduit les chercheurs cogniticiens à penser que le cerveau a réellement plus de souplesse (que certains neurones peuvent se modifier, dans leur structure ou dans leurs fonctions qu’ils le croyaient auparavant.

Vous rappelez-vous d’avoir appris à vous souvenir ? bien sûr que non. Mais vous l’avez fait. C’est l’une de ces aptitudes que nous prenons pour acquise et dont nous supposons que nous l’avons toujours eu. En vérité, vous avez passé la dernière partie de votre première année de vie à développer et exercer vos techniques de mémoire active. A l’âge de sept ou huit ans, votre capacité à retenir l’information pendant une courte période était à peu près aussi bonne que celle de vos parents, mais ce n’est qu’à partir de 12 ou 13 ans que vos capacités mémorielles ont approché les leurs.

A partir du moment où vous avez atteint l’âge adulte, et d’une manière certaine à l’âge mûr, votre mémoire a commencé à diminuer. Petit à petit,  ce phénomène inquiétant a été étudié et compris. Et le résultat en est que, en plus de savoir que nous perdons des capacités mémorielles avec le temps, nous savons également quelles parties de cette mémoire nous perdons, et, récemment, nous avons trouvé les moyens de compenser en grande partie ces pertes. Par conséquent, avant que nous vous montrions comment guérir une mémoire qui décline à cause de l’âge, nous devons d’abord définir les composantes clés de cette mémoire et décrire comment elles fonctionnent.

La mémoire peut, d’une manière pratique, être définie à partir de trois points de vue différents : dans le temps, par son contenu et par le processus de sa formation. Regardons ces différents points les uns après les autres.

 

Les quatre type de mémoire
 

La mémoire immédiate:

C’est la catégorie de mémoire qui vous permet de rechercher un numéro de téléphone inconnu, de le composer et puis de l’oublier. Bon nombre d’entre nous peuvent même ne pas mémoriser le numéro en entier. Nous recherchons la première partie, nous la composons, et nous l’oublions, nous cherchons alors la seconde moitié pour la composer et l’oublier à son tour. Mais, même si vous pouvez vous souvenir du numéro en entier assez longtemps pour le former sur votre téléphone, si vous êtes comme la plupart des gens, vous devez répéter le processus complet si vous avez à refaire l’appel même une minute ou deux plus tard.

Naturellement, les gens sont différents par rapport à ce dont ils se souviennent à court terme. Un de nos amis ne peut pas composer un numéro de téléphone sans s’en souvenir pendant des heures, mais il oubliera un mot nouveau qu’il a lu l’instant d’après (à moins qu’il ne se concentre, bien sûr).

Nous autres, êtres humains, nous ne pouvons prendre en compte, consciemment, qu’un nombre limité d’él2ments à un moment donné. Pour la plupart d’entre nous, notre mémoire à court terme ne peut renfermer que sept « morceaux », ou groupes, d’information, plus ou moins deux, une quantité qui a été déterminée la première fois par le psychologue George A. Miller. Cela signifie que nous pouvons penser à environ sept choses ou idées différentes en même temps, ou les retenir en mémoire. Par exemple, les lettres S-E-E-C-I-A-C-B-S peuvent soit être considérées en tant que neuf morceaux différents (difficile pour la plupart des personnes de les apprendre par cœur), ou en tant que trois morceaux SEE, CIA, CBS (beaucoup plus facile à apprendre par cœur, vous en conviendrez ?).

La mémoire à  court terme. La « concentration » :

là est la clef. Si nous entendons, ou si nous lisons, un numéro de téléphone, ou un mot, important pour nous, nous le gravons dans notre esprit et nous nous en souvenons au-delà de la limite « immédiate » et pour le court terme. Par ailleurs, si nous sommes exposés à la même information (même sans importance) assez souvent, elle s’imprime également. Dans l’un ou l’autre cas, étant entrée dans notre banque mémorielle à court terme, l’information reste en nous de quelques minutes à quelques heures. Néanmoins, elle est avant tout temporaire. Nous n’avons pas de nécessité particulière à nous en souvenir la semaine suivante, et nous ne le ferons probablement pas.

Alors que le joueur d’échecs novice ne peut imaginer qu’un ou deux mouvements à l’avance, les grands maîtres peuvent visualiser de sept à neuf mouvements, au moins, à n’importe quel moment. Dans une expérience sur le souvenir, un maître d’échecs arrivait à reproduire neuf échiquiers de mémoire avec plus de 70% d’exactitude en moyenne, remettant à la bonne place jusqu’à 160 pièces. De toute évidence, cela aurait été au-delà de la portée de la plupart des joueurs occasionnels. Mais ce n’est pas nécessairement parce qu’ils ont une mémoire plus faible. C’est bien plus parce que, pour de tels joueurs, l’emplacement des pièces d’un jeu d’échecs n’est pas très important et ne pénètre donc pas, même au seul niveau de leur mémoire à court terme, alors que pour un grand maître cette information est considérée comme suffisamment importante pour demeurer fixée à long terme.

La mémoire à long terme:

Une partie de l’information que nous assimilons à court terme est suffisamment importante, ou répétée assez souvent, pour devenir une partie de note banque mémorielle « permanente ». De ce fait, cette information devient un élément de « tout ce que nous connaissons ». ainsi donc, cette mémoire à long terme contient les éléments principaux de notre éducation, l’identification de nos amis et des lieux, le savoir lié à notre travail et toute la très vaste information que nous transportons avec nous.

Toutefois, il nous faut mettre des guillemets à l’expression « permanente » dans la mesure où, en réalité, la plupart de nos souvenirs à long terme s’affaiblissent avec le temps. Nous connaissions bien mieux l’histoire médiévale juste avant de passer l’examen à l’université que ce dont nous nous souvenons aujourd’hui. Et nous avons bien plus de souvenirs concernant notre vie quotidienne actuelle que de souvenirs de notre vie d’il y a seulement quelques années, voire même quelques mois.

Les mémoires périphériques:

Enfin, il y a la connaissance inoubliable par nature, dont une grande partie semble nous avoir accompagnés toute notre vie, ce dont nous nous souviendrons toujours de ce côté-ci de la maladie d’Alzheimer. Cela inclut tout depuis la connaissance de notre propre nom et de ceux de nos amis de longue date, aux souvenirs de notre enfance. Même si, en raison d’une maladie, il semble que nous ayons éjecté de notre mémoire consciente une partie de cette information, elle nous reviendra très rapidement avec un simple petit rappel. Ainsi, par exemple, si nous sommes immigrés venant de Pologne, nous pouvons ne pas avoir parlé notre langue maternelle pendant 40 ans, il nous suffit de la dépoussiérer pour être de nouveau à l’aise après seulement quelques semaines à Varsovie.

Dans les années 50, le Canadien Wilder Penfield, chirurgien du cerveau, a été le premier à observer un autre exemple des mémoires périphériques revenant à la surface, lors de son travail déterminant en neurochirurgie pour soulager l’épilepsie localisée. Le docteur Penfield et ses collaborateurs avaient l’habitude d’utiliser une sonde électrique pour stimuler les parties du cortex des patients éveillés se préparant à subir une opération du cerveau. Ils ont constaté qu’ils pouvaient souvent susciter des souvenirs réels et souvenirs « génériques », c’est-à-dire, des scènes « types » qui n’étaient pas de souvenirs précis.

On a estimé que la mémoire à long terme pouvait stocker un million de milliard de bits de données, pendant une vie, dans différentes zones du cerveau. Par exemple, les sonorités du langage, la signification des mots et les divers souvenirs sensoriels sont stockés dans des emplacements différents.

Les mémoires périphériques ne sont généralement pas au premier plan de notre conscience avant que nous en ayons besoin. Pendant que nous rédigions cet ouvrage, nous nous sommes appuyés parfois sur des notions acquises à l’université, mais dont nous n’avions pas eu besoin de nous souvenir, ou dont nous n’avions pas rencontré l’utilité, depuis longtemps : elles étaient  pourtant là. Au moment où nous en avons besoin, nous transférons l’information de la mémoire périphérique dans la mémoire à long terme, d’où nous pouvons facilement la rechercher et l’employer. L’incapacité à accomplir ce transfert peut se traduire par une expérience que nous connaissons tous : le phénomène « du bout de la langue ». Nous « connaissons » le mot ou le fait que nous cherchons, mais nous ne pouvons pas le faire revenir. Nous pouvons percevoir le rythme du mot, son nombre de syllabes ou même, parfois, des mots avec lesquels il rime, mais nous ne pouvons pas accéder au mot lui-même. Ce n’est que plus tard, généralement quand nous le cherchons moins, que, bien souvent, ce mot glisse naturellement dans notre mémoire consciente. Cette expérience devient plus fréquente et plus difficile à surmonter alors que nous vieillissons.

La mémoire périphérique a une autre caractéristique intéressante, à savoir que nos préférences et sentiments peuvent être formés par des confrontations et des expériences enregistrées dont nous ne nous souvenons absolument pas consciemment. Par exemple, l’exposition à des mots négatifs, passant trop brièvement sur un écran pour qu’ils s’enregistrent dans la conscience active, à été à l’origine,  chez certaines personnes, après coup, d’une hostilité envers un personnage de fiction. Les spectateurs n’ayant jamais eu conscience qu’ils se souvenaient d’une quelconque information négative. Et, dans une autre expérience, des patients anesthésiés recevant la suggestion qu’ils auraient un rétablissement rapide, passaient effectivement moins de temps en service post-opératoire que les patients n’ayant pas reçu de telles suggestions. Pourtant aucun des patients ne se souvenait des suggestions. La mémoire périphérique est un phénomène plutôt malin !
 

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